C’est décidé nous partons cet aprèm. Deux mille cent milles à parcourir, durée estimée 20-25 jours. Bobby Dazzler prend Jaad à son bord. Pascal et moi traversons seuls.
Nous naviguons de concert depuis une dizaine d’heures en tirant des bords avec Pavama. Jim et Jaad s’appuient au moteur et font route directe au NE. Première soirée et première vacation VHF devant la Désirade, nous sommes encore à vue.
Première nuit, près des côtes, des bateaux peuvent croiser dans les parages. Je vais donc faire juste un petit somme d’une heure et veiller le reste de la nuit. Je dormirai demain, de jour.
Le jour se lève dans la pétole, j’attends une poignée d’heures et finis par mettre le « péteux ». Ma réserve en gazole est de 60 litres soit environ 80 heures. Donc à n’utiliser que si le contexte est insupportable. La pêche est bonne, je viens d’attraper une dorade coryphène.
Fin d’aprèm, essai VHF, pas de contact avec Bobby Dazzler, déjà loin, mais je reçois clairement Pavama, normal, en regardant bien l’horizon nous sommes à vue. Nous décidons de nous rejoindre pour un apéro. Incroyable ce calme qui nous permet de nous mettre à couple et d’ouvrir deux bières bien fraiches en dégustant des lamelles de dorade marinée au citron. On continue le repas avec deux gros pavés poêlés. La vie n’est elle pas belle !!. La nuit tombe et nous nous séparons au bruit du teufteuf.
Le jour décline, l’horizon s’enflamme, les nuages s’assombrissent. A ces latitudes il ne faut que quelques minutes au soleil pour passer de l’autre côté. Pas vu le rayon vert, demain peut être. Les premières nuits en mer, au large sont angoissantes surtout quand elles sont d’un noir total comme c’est le cas ce soir. Entre collisions, averses orageuses, monstres des profondeurs, avaries, l’esprit et le corps ne trouvent pas le repos.
Les jours se suivent et se ressemblent, principalement côté vent. Je mets le moteur….et je coupe le moteur….et je remets le moteur
Comment voulez-vous que j’avance dans ce temps. Ça dure depuis plus de deux semaines. Je n’ai parcouru que 300 milles (ma moyenne journalière « normale » est de 120-140 milles) et j’ai déjà brulé 40 litres de gazole. Je commence à m’inquiéter : l’eau et les réserves seront-elles suffisantes si je dois passer 50 jours en mer. Et là où je suis il n’y a plus de cargos, ils sont sur des routes directes plus sud ; donc pas d’aide de ce côté-là. Pour me rassurer je décide de fabriquer un taud pour récupérer l’eau de pluie. Pas mal avec deux grains j’obtiens 30 litres. Pâtes, riz et graines de couscous sont en quantité. Les protéines : le poisson, je décide de pêcher sérieusement, la chance est avec moi, je tombe sur un banc de petits thons. J’en prélève trois et me lance dans la conserverie.
Chaque jour je reçois le bulletin MTO grand large de RFI sur le temps à venir dans les prochaines 24 heures. J’ai aussi la possibilité avec mon poste radio et le PC de recevoir des « FAX analyse de surface sur 24-48-96h ». Après plusieurs essais, l’émetteur de Boston transmettant vers 19h me semble le meilleur et le plus utile. Maintenant je sais que je ne suis pas près de sortir de ces zones de calme.
A partir du 10 juin ça s’améliore, du petit temps mais j’arrive à faire plus de 100 milles par jour au portant sous SPI. Au petit jour surprise au bout de la ligne de pêche il y a un espadon d’environ 35 Kg. La journée sera bien occupée.
17 juin, il ne reste plus que 300 milles et le vent est bien soutenu. Le bateau est sous spi médium et ça cavale bien. Le baromètre bip et annonce une belle dégringolade passant de 1023 à 1018 hPa en 24 heures. Le vent est maintenant à 25-30 nd et la mer est forte mais cela ne sera que de courte durée, le 19 au soir le vent retombe et je dois tout affaler.
Le 20 au matin j’aperçois enfin Faial, le vent est faible. Horta est juste de l’autre côté de la pointe. J’arrive enfin aux mythiques pontons d'Horta avec ses logos laissés par les équipages, il est 15h UTC.
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